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AUGUSTIN FAIT DON DE SA LENTILLE !



Au commencement, l'obscurité. Les cris résonnent et fendent le tumulte des vagues qui s’extirpent de la noirceur des côtes marines. Seuls des corps jonchent les rivages et falaises des côtes. Puis vint un feu, témoin des rivages, alertant ceux propices à le repérer non loin, par temps clément.


Le feu d’abord, puis les miroirs ensuite. Ils arrivèrent pour dompter la flamme, libre et imprévisible. Ce, pour la rendre puissante, mais surtout pour diriger la source de lumière, la maîtriser en ce qu’on appelle un flux. Mais alors on ne la voyait qu’à 3 lieues tout au plus tant ce système occasionne une perte de puissance lumineuse (appelée lumens) de 50 % au moins. Il fallait trouver un moyen de décupler sa puissance, permettre aux navires de la voir de plus loin pour leur laisser le temps de modifier leur allure et leur cap.


Les naufrages étaient fréquents, les morts nombreuses. Il s’agissait de trouver une solution efficace, avec les technologies à portée de l’époque.

Il n’était aucunement question de lampes électriques, davantage puissantes, rappelons-le, l’électricité datant seulement de la fin du XIXe siècle.


C’est alors qu’un génie fit son apparition. En 1822, Mr Fresnel, Augustin de son prénom, alors responsable de la modernisation du réseau des phares français, vint avec ce qui révolutionna la maîtrise de la lumière, invention encore utilisée de nos jours, notamment dans le monde de l’éclairage cinématographique, j’ai nommé l’incroyable et non moins célèbre lentille à plan-convexe, l’unique, la prodigieuse lentille Fresnel, du nom de son inventeur. C’est une lentille capable de concentrer un large flux lumineux en un point précis du faisceau et à courte distance focale. Nous passâmes alors de 3 à 11 lieues de distance de visibilité en pleine nuit, ce qui permit de sauver d’innombrables vies et marchandises vitales pour les habitants. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le phare fut si inspirant pour les auteurs de cette époque, tant il véhiculait ce fantasme des naufrages passés.

Et pourquoi diable me direz-vous, nous parle-t-il de tout cela ? Et bien parce qu'il s’avère que nous avons la chance incroyable d’avoir ici, sur l’île, la possibilité de contempler, en parfait état de marche, l’un de ces morceaux d’histoire.


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Le phare de la côte Ouest de l’île brille d’un faisceau puissant, car en son sommet travaille sans relâche, et ce, depuis des siècles, une lentille Fresnel d’époque, toujours aussi vaillante, puissante.


Profitez ! C’est ici mon conseil. Allez y faire un tour, le contempler au crépuscule tant qu’il brille encore, car hélas, ce soldat de la mer qui veille sur nos vies, n’en a, je crois, que pour peu de temps encore. Depuis l’apparition des GPS dans la navigation marine, les phares ont perdu toute leur utilité, et sont voués à disparaître peu à peu, engloutis par les vagues qui ne cessent de meurtrir les fondations de ces édifices que très peu entretenus de par le coût que cela représente, et le peu d’intérêt qu’ils représentent. Alors changeons nos regards sur ces édifices, ce patrimoine insoupçonné.


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La nuit tombe, à présent. Tu brilles alors, et fends l'obscurité, comme une lame agile, un éclat de vie perçant le néant. Soyons témoins, hélas, du manteau de vagues intrépides, qui chaque instant caresse tes froides pierres fendues, au temps en est l’outrage de ton corps vacillant, jusqu’à ce que, lentement, ta flamme s’éteigne, à jamais engloutis, ce vieil ami, solitaire.




Rédaction / Photos : Ugo Plaza – Relecture : Emmett Coulson